CHAPITRE XII

Henry Helon, Mary et leurs compagnons étaient sur la planète Flora, depuis une dizaine de jours, mais n’avaient malheureusement encore rien découvert qui les mît sur une piste décisive, et Henry commençait à désespérer, car ce qui se passait dans la Confédération prenait une tournure terrible. Henry avait en outre d’autres causes de soucis…

En abordant la planète, ils s’étaient bien gardés de se poser sur un astroport où ils auraient risqué de se faire arrêter – car ils ignoraient où en étaient les choses sur Flora. Ils avaient atterri la nuit, en un point quasi désertique, et ils s’étaient hâtés d’abandonner l’astronef – car les radars n’avaient pu manquer de signaler sa présence, et les services de la sécurité des transports ne tarderaient pas à être sur les lieux pour voir ce qui avait bien pu arriver à l’Ouragan.

Ils s’étaient séparés en trois groupes et étaient partis à pied, emportant des provisions pour plusieurs jours – le temps de franchir, à travers l’unique désert de la planète, les espaces arides qui les séparaient des zones verdoyantes. Ils s’étaient donné rendez-vous à Rohinor, la capitale, en un point précis de celle-ci.

La traversée de la zone désertique ne leur avait pris que deux jours – trois pour l’un des groupes – et n’avait pas été trop pénible.

Ils eurent la surprise, en reprenant contact avec une région habitée, de constater que tout y était relativement calme. Il s’agissait, il est vrai, d’une petite et délicieuse agglomération, blottie entre deux collines aux formes harmonieuses, dans un nid de fleurs et de verdure. Les gens, certes, parlaient de ce qui se passait dans le reste du monde civilisé, mais ne semblaient pas autrement affectés par les événements. Ils continuaient à vaquer à leurs occupations habituelles et à mener, le reste du temps, la vie indolente et facile qui était de règle sur Flora.

Personne ne demanda rien aux nouveaux venus. Ceux-ci avaient pris soin de rester éparpillés. Sur leurs vareuses, maintenant, on voyait les insignes des professions les plus diverses, sauf toutefois ceux d’équilibreurs, d’informateurs ou d’astronautes.

On était habitué dans la plupart des villes de Flora à recevoir tout au long de l’année des nuées de touristes venus de tous les points de la Confédération pour visiter la planète enchanteresse. Henry et Mary, lorsqu’ils louèrent un cottage pour y passer une journée de repos, déclarèrent qu’ils étaient originaires de Hirim. Thompson et deux ou trois autres dirent qu’ils venaient de Centos. Les autres firent de même, se gardant, si leur domicile était sur la Terre, de le mentionner.

Ils n’eurent pas de peine à trouver des hélicabs pour se faire conduire à Rohinor, où ils s’installèrent à proximité les uns des autres, dans les parages du palais présidentiel.

Rohinor, bien que jouissant des mêmes commodités et du même confort que les autres grandes villes de la Confédération – et sous une forme sans doute plus raffinée – ne leur ressemblait pas. On n’y voyait pas de hauts buildings comme le Méga de Balmir, pas de rues bruyantes. La ville, en revanche, s’étalait sur une superficie énorme. Elle n’était qu’une succession de jardins merveilleux accrochés aux flancs des collines, et où se dressaient de riches demeures, mais relativement petites. Les seuls édifices de quelque importance étaient le palais résidentiel, le Bojar, ou centre commercial, et le Rijar, ou centre des spectacles. Mais même ces édifices-là restaient en harmonie avec le paysage. Des nuées d’hélicabs sillonnaient le ciel.

 

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Mary et Henry s’étaient installés dans un délicieux chalet, au bord d’une fraîche rivière. Et Mary ne s’appelait plus Mary Hornet, mais Mary Helon. Ils avaient en effet décidé de s’unir alors qu’ils étaient à bord de l'Ouragan, dans l’hyper-espace, et le commandant Pat Farday, qui jouissait sur son astronef des prérogatives d’un officier d’état civil, avait procédé à la cérémonie.

— Quel coin merveilleux pour une lune de miel ! dit la jeune femme lorsqu’ils furent installés. Moi qui avais toujours rêvé d’un voyage de noces sur Flora ! Mon vœu se réalise, mais je ne pensais pas que ce serait dans d’aussi dramatiques circonstances…

Le couple, en effet, ne s’attarda pas aux douceurs d’un hymen heureux. Dès le premier jour – comme tous leurs compagnons – ils se mirent au travail. Mary, et Henry, toutefois, ne se quittèrent pas. Ils avaient décidé de ne plus se quitter.

Rohinor, plus encore que l’agglomération où ils avaient fait une première halte, semblait étrangement paisible. Ils allèrent dans les endroits les plus animés de la ville, au Bojar, au Rijar, ou dans les jardins du Golgir – le merveilleux zoo de Flora, le plus beau de la Confédération, où il y avait toujours beaucoup de monde. Les gens semblaient se désintéresser de ce qui se passait sur les autres planètes. Chose curieuse, on ne parlait pas de cas de folie dans Rohinor.

Pourtant les nouvelles n’étaient pas bonnes. Chaque jour Henry et sa jeune femme passaient plusieurs heures devant l’écran tridimensionnel ou devant l’écran interstellaire. Ils apprirent qu’un effrayant désordre régnait sur Hirim, sur Centos, sur Sylva. Ces planètes avaient proclamé leur indépendance. Sur Aurora, Loys Bobsen affirmait qu’il avait la situation bien en main, et que les « assassins » et les équilibreurs ne continueraient pas longtemps désormais leur funeste besogne. Sur la Terre et sur les autres planètes régnait aussi une vive agitation. Mali Prone avait dénoncé les agissements d’une « camarilla » qui rêvait de prendre le pouvoir dans les vingt-deux planètes. Mais la Terre, déclarait-il, se préparait à la résistance, avec l’appui des républiques fidèles à la Confédération.

Le quatrième soir, ils virent apparaître sur l’écran tridimensionnel le président Amos Sirven, qui était à la tête du gouvernement de Flora. Ils l’écoutèrent avec une attention passionnée. Sirven était un homme plein de distinction et de charme. Il parla avec calme. Il prononça un discours modéré, déplorant les événements qui agitaient le monde, observant une sorte de neutralité prudente, bien que légèrement favorable aux planètes dissidentes. Il émit le vœu que tout rentrerait bientôt dans l’ordre et invita ses concitoyens à garder leur sang-froid et à continuer à vivre comme ils le faisaient.

— C’est curieux, dit Henry. J’avais été tenté de penser qu’il était un des chefs du complot…

— Il n’en a pas l’air, dit Mary.

Mary semblait un peu fatiguée. Elle n’assista pas, ce soir-là, à la réunion qui groupa dans le chalet quelques-uns de leurs compagnons, notamment Thompson, Bella Romez et le commandant Pat Farday. La discussion fut d’ailleurs assez vide. Personne n’avait rien noté dans Rohinor qui méritât d’être signalé.

— C’est désespérant, dit Thompson. Et nous ne savons certainement pas tout ce qui se passe sur les autres planètes. Ce doit être pire que ne le disent les informations.

— Je me demande, dit Henry, si nous ne ferions pas bien d’aller trouver le président Amos Sirven, et de le mettre au courant de ce que nous savons ?

— Serait-ce prudent ? dit Thompson. Je crois que jusqu’à nouvel ordre il vaut mieux s’abstenir et rester sur ses gardes. C’est peut-être par tactique que Sirven se montre modéré. Il a intérêt à le faire, si le nœud du complot est bien sur Flora…

— Oui, vous avez sans doute raison…

 

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* *

 

Le lendemain, Mary et Henry reprirent leur quête à travers la ville, toujours aussi vainement. Ils visitèrent une fois de plus, le quartier des bijoutiers, où étaient alignées d’innombrables et charmantes petites boutiques, avec l’espoir d’y découvrir un indice. Mais rien de particulier n’attira leur attention, si ce n’est que les clients étaient nombreux, les Floriniens étant particulièrement amateurs de bijoux.

Tandis qu’ils se promenaient dans les galeries du Bojar, Henry dit tout à coup à sa jeune femme :

— C’est curieux, tout est calme dans cette ville, tout y est normal, et pourtant j’éprouve une bizarre sensation de malaise… Je ne parviens pas à définir ce qui me chiffonne… Et toi ? N’as-tu pas la même impression ?

— Moi non, dit Mary. Mais j’ai sommeil… J’ai hâte que nous rentrions.

Le lendemain, elle n’accompagna pas l’équilibreur. Elle lui dit :

— Excuse-moi, Henry… Aujourd’hui j’ai envie de paresser un peu.

Ce jour-là, Henry Helon prit contact avec plusieurs de ses compagnons. Lol Phui et Jack Brill, ses deux collègues et amis, lui parurent manquer d’entrain. Thompson lui dit :

— Je crois bien que nous nous sommes trompés en pensant que Flora était au centre du complot…

Les jours suivants, Mary ne voulut pas non plus quitter le chalet ni le superbe jardin qui l’entourait.

— Qu’as-tu ? lui demandait Henry.

— Mais rien du tout, mon amour… Je suis un peu fatiguée, voilà tout, et tu ferais bien de te reposer toi aussi…

Elle était douce, aimante, charmante, mais elle semblait de plus en plus se désintéresser de la mission pour laquelle ils étaient venus sur Flora.

Cela l’inquiéta, d’autant plus que ses autres compagnons semblaient gagnés eux aussi par la même apathie. Thompson lui avait même dit : « Tout compte fait, je crois qu’il vaut mieux se laisser vivre… »

L’inquiétude de Henry fit place à de l’angoisse lorsqu’il constata qu’il était presque le seul, maintenant, dans leur petit groupe, à prendre vraiment à cœur la tâche qu’ils s’étaient assignée. La sensation de malaise qu’il éprouvait ne faisait que s’aggraver. Il commençait à en deviner la cause… Les gens qu’ils rencontraient dans les rues de Rohinor avaient tous l’air un peu endormis, un peu indifférents à ce qui se passait autour d’eux. Ils semblaient en proie à une douce langueur. Leur voix était plus traînante que jamais. Ils ne faisaient rien d’insolite, mais leurs regards étaient comme perdus dans quelque rêve agréable et lointain. Or, c’était ce même regard qu’il voyait maintenant dans les yeux de Mary, dans les yeux de presque tous ses compagnons.

 

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* *

 

Un soir – ils étaient sur Flora depuis douze jours – il errait dans une rue, près du palais présidentiel, lorsqu’il eut un brusque sursaut. Il venait de reconnaître l’homme roux et le grand maigre, Bohar et Prax. Ils avaient passé près de lui sans le voir, et c’était une chance.

Il les suivit de loin. Il les vit pénétrer dans un immeuble bas et d’aspect assez terne, à l’angle de la rue des Hirlalines et de la rue des Saphirs.

Il se hâta de rentrer chez lui et de convoquer ses compagnons. Il songeait à organiser une expédition contre l’immeuble dans lequel les deux hommes avaient disparu. Il avait la certitude qu’il y découvrirait des choses intéressantes.

Mais ses amis ne se dérangèrent pas. Deux d’entre eux seulement vinrent : le commandant Pat Farday et Libano. Mary elle-même ne voulut pas quitter sa chambre.

Henry fut désespéré. Que pouvaient-ils faire à trois ? Les deux autres partagèrent son angoisse.

Pour prendre les nouvelles, ils tournèrent le bouton de l’écran interstellaire et se branchèrent sur Aurora. Ils virent apparaître Loys Bobsen, qui annonça que les quatre cinquièmes des astronefs de la Confédération étaient maintenant en sa possession et qu’il allait lancer une attaque armée contre la Terre.

— C’est la fin de tout ! dit Pat Farday. Ces horribles factieux, dont nous ne savons même pas qui est le vrai chef, vont certainement l’emporter.

Ils allaient se séparer lorsqu’une toute petite sonnerie grêle retentit. Henry ouvrit un tiroir.

— Regardez, dit-il, c’est encore ce maudit engin en forme de briquet qui va se mettre à parler dans une langue inconnue. Ça arrive encore de temps en temps…

Il allait refermer le tiroir quand une voix retentit, très nette, très distincte, une voix qui lui parut familière. Et cette voix disait :

— Quelqu’un m’entend-il ? Quelqu’un m’entend-il ?

Henry eut un saisissement, que partagèrent ses deux amis. Il demanda :

— Qui parle ?

— Richard Helon.

Le saisissement du jeune homme ne connut plus de borne.

— Richard ! s’écria-t-il. Ce n’est pas possible. Pourtant je reconnais ta voix. C’est Henry qui te parle ? Où es-tu ?

— Henry ! Quelle chance ! Je suis à bord du Bellérophon. Nous n’avons toujours pas pu nous repérer. Et toi, où es-tu ?

— Sur Flora. À Rohinor…

— À Rohinor… Ça tombe bien. Tu es libre, j’espère et sain d’esprit…

— Oui, mais tout va mal dans la Confédération.

— Dis-moi ça en deux mots.

— Des fous par centaines de milliers… Des planètes dissidentes… Une guerre sur le point d’éclater…

— J’ai compris. Ne perdons pas de temps. Le Bellérophon vient de fuir une planète habitée par des êtres intelligents, les Djarfs.

— Les Djarfs… Tu dis les Djarfs ?

— Oui… Ce sont eux qui sèment la folie dans notre monde, pour le dominer. Ils ont une base sur Flora, à Rohinor. Ils répandent la folie au moyen des bagues floriniennes, qui contiennent des sortes de robots microscopiques. Ceux qui portent ses bagues peuvent être frappés à tout moment.

— Les bagues floriniennes ! s’exclama Henry. J’aurais dû y penser… C’est une idée qui m’a effleuré, mais que je n’ai pas poussée à fond…

— Alors tu vois ce qu’il faut faire, rapidement.

— J’ai compris.

— Il faut aussi détruire le centre des Djarfs à Rohinor. Il est situé près du palais présidentiel, à l’angle de la rue des Hirlaines et de la rue des Saphirs…

— J’en étais sûr ! Je t’expliquerai pourquoi plus tard.

— Agis vite. Tu as nécessairement entre les mains un appareil comme le mien. Tu me diras aussi plus tard comment tu te l’es procuré. Garde-le sur toi. Surtout ne touche pas aux molettes. Voilà des heures que j’essayais de prendre contact – à tout hasard – avec un être humain… Et c’est toi qui m’as répondu. Je n’en suis pas étonné, car je suis sûr que tu n’es pas resté inactif. Mais ne perds pas de temps. Je t’embrasse, Henry. Je te rappellerai bientôt.

— Je t’embrasse, Richard.

Les deux compagnons de Henry avaient écouté, médusés, cette conversation.

— Dépêchons-nous, s’écria le commandant Farday, sans s’attarder à des commentaires, car il avait tout compris lui aussi. Allons d’abord chez nos amis. Je suis sûr que ce sont les bagues qu’ils portent qui les rendent maintenant, sinon fous, du moins indifférents à tout…

— Pas de doute, dit Henry. Faisons vite…

Son premier soin fut de courir dans la chambre où reposait sa jeune femme, et de lui enlever l’alliance qu’elle avait au doigt…

— Qu’est-ce que tu fais ? dit-elle.

Mais aussitôt elle sourit, redevint vive. Et quand il lui eut tout expliqué, elle s’écria elle aussi :

— Dépêchons-nous !

 

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* *

 

Il était minuit à Rohinor lorsqu’ils arrivèrent, en trois groupes – c’est-à-dire dans la même formation que pour attaquer le palais présidentiel de Balmir – aux abords de l’immeuble situé à l’angle de la rue des Hirlaines et de la rue des Saphirs, un immeuble bas, d’assez piètre apparence. Tous étaient armés de pistolets-endormeurs et même de quelques grenades plus meurtrières.

Henry Helon donna le signal, et le groupe qu’il commandait se précipita vers l’unique porte, qui n’était ni gardée, ni fermée. Ils traversèrent un hall désert, virent à droite et à gauche des pièces vides qui ressemblaient à d’anodins bureaux commerciaux, et d’autres pièces, désertes également, où étaient entreposées de nombreuses caisses. L’une d’elle était entrebâillée. Elle était pleine de bagues… Mais ils ne s’attardèrent pas.

Ils arrivèrent à un escalier gardé par deux hommes dont ils se débarrassèrent rapidement. L’escalier descendait vers ce qu’ils prirent d’abord pour un sous-sol. Mais il aboutissait, en réalité, à l’entrée d’un long souterrain qu’ils suivirent. Ils n’eurent pas fait vingt mètres qu’un coup de feu retentit. Henry éprouva une cuisante douleur au bras gauche. Deux hommes avaient surgi, et tiraient sur eux. Mais les silencieux pistolets-endormeurs entrèrent en action, et les deux hommes s’abattirent.

Insouciant de sa blessure, l’équilibreur fonça en avant, suivi de Mary et de leurs amis. Par bonheur, il n’y avait pas eu d’autre blessé.

Ils firent ainsi deux ou trois cents mètres sans encombre, au pas de course, franchissant des portes qui n’étaient pas closes, et prêts à tirer sur tout ce qui se montrerait. Le souterrain fit un coude, et brusquement ils débouchèrent devant une énorme porte de bronze. Mais elle était entrebâillée et donnait accès à une vaste salle. Là, ils s’arrêtèrent un instant, stupéfaits. Dans cette salle, ils ne virent aucun être humain, mais une douzaine de créatures étranges, minces, avec de longues têtes en forme de cylindres, des membres grêles et très longs. Les parois de la salle étaient garnies de multiples appareils devant lesquels ces créatures étaient installées.

— Les Djarfs ! s’écria Henry… Tirez dessus ! Etourdissez-les ! Vite…

Les Djarfs semblaient plus surpris encore que leurs assaillants. Ils restaient pétrifiés. Ils devaient être si sûrs d’eux maintenant qu’ils ne s’attendaient pas à une telle attaque. Ils tombèrent un à un. D’autres salles voisines, où il y avait également des Djarfs et aussi quelques hommes à l’air hébétés, furent neutralisés rapidement.

Ce n’est que quand ils furent sûrs d’être les maîtres de toute la place que Henry Helon consentit enfin à laisser panser sa blessure.

Ensuite il rassembla sa troupe, laissa sur les lieux une quinzaine de ses compagnons pour surveiller les Djarfs, et entraîna les autres vers un nouvel objectif.

Cet objectif était le Centre de Télévision Interstellaire de Rohinor, qui était installé lui aussi dans le voisinage du palais présidentiel.

L’opération fut d’autant plus rondement menée que personne ne leur opposa une réelle résistance. Ils n’eurent à « endormir » qu’une dizaine d’employés. Pour les autres, ils se contentèrent de leur enlever leurs bagues et ils les virent se joindre à eux.

Lorsqu’ils furent maîtres de la salle des émissions, Henry s’installa au micro. Il était très ému. Sa voix tremblait un peu lorsqu’il commença à lancer son message.

— C’est Henry Helon, équilibreur confédéral, qui vous parle. Je m’adresse à tous ceux des citoyens de la Confédération qui ont gardé leur raison et leur sang-froid. Nous avons découvert la cause réelle des maux qui nous accablent. Ils sont déchaînés par des créatures venues d’une planète inconnue, les Djarfs, et qui avaient une base sur Flora, la planète d’où je vous parle en ce moment. Cette base est annihilée. Mais le mal continue à faire ses ravages. Écoutez bien ceci. Ce mal est propagé par les bijoux floriniens, surtout les bagues. Tous ceux qui en portent sont frappés ou susceptibles de l’être. Je vous en supplie, mes concitoyens, hâtez-vous d’enlever ces bijoux à tous ceux et à toutes celles qui en sont parés. Hâtez-vous de les détruire. Dépêchez-vous, partout, de faire ce que je vous dis, et vous verrez. Détruisez les bijoux floriniens. Ceux qui les portaient recouvreront aussitôt la raison. Faites vite, si vous voulez que notre belle Confédération retrouve son visage habituel… »

Ce message fut répété inlassablement sur les écrans interstellaires pour les autres planètes et sur les écrans tridimensionnels pour Flora.

Deux heures ne s’étaient pas écoulées que dans Rohinor des équipes sans cesse accrues parcouraient la ville, enlevant leurs bagues et leurs bijoux aux gens qui en portaient – c’est-à-dire presque tout le monde.

Henry Helon, à la fin de cette journée mémorable put prendre directement contact, sur un visophone interstellaire, avec le président Mali Prone. Celui-ci était rayonnant. Il dit au jeune homme :

— Tous nos postes émetteurs transmettent maintenant votre message. Nous sommes sauvés. Je vous embrasse, Henry.